De l'amour et autres démons de Gabriel Garcia Marquez

» Un chien couleur de cendre, une lune blanche sur le front, fit irruption dans les venelles du marché l premier dimanche de décembre, culbuta les éventaires de fritures, renversa les étals des Indiens et les échoppes de la loterie, et dans sa course mordit quatre personnes qui tentaient de lui barrer le chemin. »
(Première page)


Livre lu dans le cadre du challenge destination Colombie de evertkhorus.


L'auteur

Gabriel José de la Concordia García Márquez est né en 1927 en Colombie.

Écrivain et journaliste, il est à lui seul un mouvement littéraire : le « réalisme magique ». Il est devenu célèbre grâce à son roman « Cent ans de solitude » (1967) qui déjà mêle une fresque familiale, un roman politique ainsi qu'un récit fantastique.

Ses textes étant mal perçus par les autorités colombiennes, il a passé une partie de sa vie en exil (Europe, Cuba et au Mexique). Il se fait alors connaître pour son engagement auprès des causes révolutionnaires et son soutien au régime castriste.

Un an après la sortie de « Chronique d'une mort annoncée », Gabriel Garcia Marquez reçoit le prix Nobel de littérature, un prix qui vient couronner une œuvre exceptionnelle, en perpétuel renouvellement.

Résumé officiel

En 1942, au cours de travaux dans un couvent d'Amérique latine, sont mis au jour les restes d'une adolescente, Sierva Maria de Todos Los Angeles. Sa splendide chevelure mesure vingt-deux mètres de long... Le romancier du Général dans son labyrinthe aurait-il tiré cette étrange découverte de sa flamboyante imagination ? Réelle ou fictive, en tout cas, elle est le point de départ d'une singulière histoire d'amour, dans le cadre joyeux, coloré, décadent de Carthagène des Indes, au milieu du XVIIIe siècle. Fille unique du marquis de Casalduero, Sierva Maria a douze ans lorsqu'elle est mordue par un chien couleur de cendre, portant une lune blanche au front. Soupçonnée de rage ou de possession diabolique, enfermée au couvent par l'Inquisition, elle vivra avec son exorciste, Don Cayetano Delaura, une passion folle, destructrice, forcément maudite...

Le Réalisme-Magique

Le réalisme magique est une appellation utilisée par la critique littéraire et la critique d’art depuis 1925 (Franz Roh, dans son livre Post-expressionnisme, réalisme magique : problèmes de la nouvelle peinture européenne) lorsque des évènements magiques (surnaturels ou encore irrationnels) apparaissent dans un environnement défini comme « réaliste », à savoir un cadre historique, géographique, culturel et linguistique vraisemblable et ancré dans une réalité reconnaissable. On pourrait parler de Fantasy Historique.

Cette appellation est surtout associée aujourd’hui à certaines œuvres ou à quelques auteurs de la littérature latino-américaine du XXe siècle et le roman Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez est souvent cité comme exemplaire.

L'histoire

J'ai rencontré cet auteur, il y a quelques années, après avoir vu le film Chronique d'une mort annoncée. J'avais trouvé l'histoire touchante, et un ami m'avait prêté le livre. Donc, lorsque evertkhorus a proposé un challenge sur la Colombie, je me suis décidée pour un autre livre de cet auteur.

Dès les premières pages, après une lettre à l'intention des lecteurs apposée par l'auteur lui-même et expliquant pourquoi il a choisi de nous narrer cette histoire, j'ai plongé. L'auteur nous entraîne avec son brio dans un conte fantastique mêlant religion chrétienne et rites africains, amour courtois et parfois outrageux, réflexion sur une inquisition et humour le reste du temps.

L'héroïne, une enfant de douze ans, va se voir enfermée dans un couvent et subira d'atroces sévices sous l'égide d'une sœur persuadée de voir en elle une possédée ! Les démons sont parfois vindicatifs, ceux que Sierva Maria invoque, les diables yorubas, sont cruels et affreusement tentateurs. En tout cas, c'est ce que croient (et voient) les autres...

Car cette jeune fille se contente d'errer dans un monde un peu lascif, abandonnée par des parents occupés à jouir de plaisirs interdits (mélasse, cacao et sexe) pour l'une et de s'adonner à l'oubli pour l'autre. Sierva Maria va donc grandir au milieu des noirs africains qui vont lui inculquer leurs coutumes, leurs croyances et leurs langages. Elle finira par parler trois de leurs dialectes sans être capable de communiquer correctement en Castillan. D'eux, elle prendra aussi l'affreuse habitude de taire la vérité, et de ne répondre aux blancs que ce qu'ils veulent entendre. Pourquoi se fatiguer à expliquer alors que les mensonges semblent les ravir ?



Mais, le jour où un chien vient à la mordre, tout bascule. L'animal est enragé et mourra ainsi que les trois autres personnes mordues le même jour que Sierva Maria. C'est à ce moment que son père se décide à s'intéresser à elle. Comme si sa mort imminente la rendait tout d'un coup attirante... sauf qu'elle ne présente aucun des symptômes de la rage, même après plusieurs mois. Ses seules souffrances seront surtout dues aux traitements infligés par les apothicaires et autres médecins désirant extraire le venin.

Certes, la demoiselle a parfois des réactions un peu bizarres et à deux ou trois reprises, quelques accès de colère vont la montrer sous un aspect fort inquiétant. Ce sont dans ces rares passages que le Réalisme Magique apparaît, au détour des accès de rage de la jeune fille, pas la maladie, non, juste la rage de vivre, d'aimer... Car, au final, c'est cette rage-là qu’on va tenter de la faire expier... « l’amour ici est une rage qu’on tente en vain de conjurer et qui mène directement à Dieu, à travers toutes les larmes du corps. »

Gabriel Garcia Marquez nous offre ici une analyse poussée d'hommes et de femmes vivant chacun dans un univers particulier et se croisant autour de cette jeune beauté. Ainsi, au fil des pages de ce tout petit livre nous rencontrons un marquis ruiné et passant ses journées dans un hamac..., de sa femme dont le corps semble expulser toutes les drogues ingurgitées (très drôle), un couvent de sœurs clarisses bigotes et sottes avec une mère rancunière, une sœur assassine convertie aux joies de la broderie, un bibliothécaire déclaré officiellement exorciste, mais qui tombe follement amoureux de notre belle héroïne de vingt ans sa cadette, et un médecin juif lisant Voltaire (belle citation) ! D'autres personnages apparaissent au fil des pages, le vire-roi et son épouse, ainsi qu'une esclave abyssinienne au corps parfait et envoûtant, sans oublier l'évocation de la première épouse du marquis, morte foudroyée avant que ne soit consumé leur mariage.

Tout ce petit monde aime ! Mais l'amour est parfois démoniaque... et pour chacun l'auteur va donner une vision bien spécifique de cet amour que ce soit de façon spirituelle ou tout simplement pour les plaisirs du corps... C'est talentueux, c'est drôle, c'est riche, mais sans être pompeux. C'est un petit bijou !

Le style

« Plus l'écriture est transparente, plus on découvre la poésie »

Eh oui, le talent est là, cru, beau, déroutant. Les phrases sont d'une simplicité envoûtante et chantent, nous entraînant au fil de cette histoire en cinq actes sans nous lasser. Les descriptions sont divines, mais courtes, sobres. Claires. Les dialogues sont posés avec justesse, coupant de longs passages narratifs.

Le narrateur est extérieur et suit plusieurs des personnages. Ainsi, tout à tour, nous découvrons leurs pensées fasse aux évènements les liants (la rage de Sierva Maria), mais aussi leurs souvenirs. Et tout cela avec une clarté incroyable, sans surcharge, sans fausse pudeur, avec une bonne dose d'humour parfois caustique.

Les personnages sont fabuleux et complexes alors que l'ensemble du livre ne fait que 187 pages ! il n'y a donc pas de perte de temps, pas d'éléments inutiles... et de chacun je suis capable de donner un trait de caractère, une remarque sur le physique... extraordinaire, surtout qu'il y a beaucoup de protagonistes.

Le temps est évoqué régulièrement, afin de bien suivre l'évolution de cette belle histoire.

Au final 



Et bien voilà mon deuxième coup de cœur de l'année !


Vous pouvez découvrir d'autres auteurs et livres sur la Colombie chez evertkhorus


17 commentaires :

Frankie a dit…

Contente que ta lecture t'ai plu. Je ne pense pas que j'aurais aimé, en ce qui me concerne ! Je ressors plutôt mitigée de ma lecture et de mon choix, trop roman noir poisseux à mon goût. J'espère avoir plus de chance avec la prochaine destination.

evertkhorus a dit…

Ah ben je suis super contente que ce challenge t'ait permis un coup de coeur! Idem pour moi, j'ai lu le même auteur donc ce n'est pas étonnant! Je retiens donc celui-là! Merci pour ta participation, tu peux venir voter pour la destination suivante sur mon blog!

accrocdeslivres a dit…

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Bon week end à tous !

Accrocdeslivres

scor13 a dit…

j'avoue que le sujet du livre ne me tente pas pour découvrir cet auteur. J'essaierai avec un livre plus connu.

En tout cas contente que ta lecture soit un coup de coeur. Cela n'a pas été le cas pour moi malheureusement.

Véro a dit…

J'ai abandonné Cent ans de solitude alors peut-être ce roman me réconcilierait-il avec l'auteur ?

flof13 a dit…

oh, purée ! avec un billet pareil, je ne peux que le mettre dans ma LAL !!!! merci, merci pour elle :)

nanet a dit…

@ Frankie : Je connaissais la plume de GGM et je voulais voir si j'aimerai autant un livre quasi inconnu ^^ C'est le cas, je pense lire d'autre livre de lui. je vais passer lire ton article.

nanet a dit…

@ Evert : merci pour la proposition, je vais passer voir le thème... et la date ^^

G Garcia Marquez a une écriture qui me plait de plu en plus. Je pense lire encre autre chose de lui.

nanet a dit…

@ Scor : je ne voulais justement pas d'un livre trop connu... tant qu'a découvrir que ce soit complétement. Mais tu trouveras d'autres livres sympa de lui.

nanet a dit…

@ Véro : je n'ai pas lu cent ans de solitude, mais je suis assez tentée...

nanet a dit…

@ Flof : merci ^^ et désolée pour ta PAL...

Miss Spooky Muffin a dit…

Quelle belle couverture, et ce que tu en dis est vraiment alléchant... ce n'est pas vraiment mon type de lecture favorite mais j'aime bien sortir de mon ordinaire parfois, alors je le note sans faute dans ma wishlist. Merci !

nanet a dit…

Merci à toi, et bonne découverte. Ce livre m'a énormément plu, et cet auteur entre peu à peu dans le cercle fermé de mes préférés...

Biz

laure a dit…

J'ai lu Marquez qu'une fois et j'ai eu beaucoup de mal, je ne sais pas si j'aurai aimé ce livre même si je suis tentée par l'histoire mais je vois que tu en ressors enchangée tant mieux. :)

Lynnae a dit…

Contente qu'il t'ait plu ! J'ai aussi été choquée par les traitements infligés à Sierva, pour la guérir ... sans parler de ceux chez les soeurs !

nanet a dit…

@ Laure : j'avais déjà bcp aimé le précédent livre. Je crois que sa plume parvient à m'enchanter... comme tu le dis !

Je te souhaite de le trouver aussi agréable que possible. Biz

nanet a dit…

@ Lynnae : Les (mauvais) traitements infligés à Sierva m'ont fait grincer des dents... et la façon d'agir des soeurs m'a conforté dans l'amitié (bouhou) que je leur porte ^^

 

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