L'auteur & le traducteur.
Né à Calcutta en 1952, Vikram Seth a publié plusieurs romans, dont « Un garçon convenable" (Grasset 1993).
Il a fait des études en Inde puis à Oxford, mais les a interrompues pour voyager : La chine 1980 à 1982, puis le Tibet et le Népal avant de revenir en Inde pour y écrire. Il publiera aussi un journal de voyage : Le lac du Ciel, Voyage du Sin-K'iang au Tibet (1983)
Mais, j'ai lu ce livre en Français... et je dois, ici rendre hommage au traducteur.
Claro, auteur, est surtout connu pour les nombreuses traductions qu'il a effectué. Il vient pourtant de publier un de ses propres livres : Le Clavier cannibale, cette année.
Sa plume est douce, et réfléchie, et c'est avec beaucoup de talent qu'il a su donner à l'œuvre de Vikram Seth, une forme belle et envoutante. Il a mis trois ans pour effectuer la traduction, tant la tache était ardue. Car, s'il est « simple » de poser en français les mots d'un auteur anglais (après tout, la création est déjà faite, il suffit de changer les mots et de conserver l'histoire, les phrases... ) ici, il lui fallait garder l'histoire mais aussi la forme !
Et si l'on se demande pourquoi Claro s'est attaqué à cette difficulté, la réponse se trouve page 81 :
Liberté et contrainte : ainsi triomphe l'art !
Résumé officiel
L'histoire
Je ne tenterai pas d'égaler ici, le talent des auteurs que je cite. Ma prose saura-t-elle leur rendre honneur, eux qui ont magnifié le sens de l'écriture, et en vers, donné une belle histoire ? Je m'en vais vous présenter cette œuvre, qui m'a donné tant de plaisir, tant de joie.
L'auteur nous livre la vie de quelques personnages dans le San Francisco des années 80. Un joli portrait de génération dans une ville toujours aussi romanesque mais quand même un peu creux. Car, oui, il faut l'avouer, l'histoire n'a rien d'extraordinaire. Certes, il donne un aperçu de la vie que quelques amis, leur devenir près de ce pont mythique...
Les personnages sont décrits, à leur apparition dans l'histoire, par un ou deux sonnets. L'auteur nous laisse libre de les imaginer. Puis, peu à peu, les personnages se précisent et on peut commencer à s'attacher à eux. À la fin de ce livre, lu en quelques jours de par la forme, j'ai eu l'impression de quitter de vieilles connaissances.
J'ai apprécié Gengis khan, le chat, qui fait subir d'atroces affres à son nouveau maitre. Cela m'a fait sourire. J'ai trouvé incisif la relation entre Phil et Ed. Cet état d'esprit purement libéré pour l'un et source de mille maux pour l'autre. L'acceptation de leurs amis, ou, au contraire la haine que leur relation inspire à John...
Tout est dit, la vie qui apparait et fuit, la mort, douloureuse compagne qui nous pousse parfois à des actes un peu trop irréfléchis. Mais après tout, n'est-ce pas bien mieux ainsi ?
J'ai beaucoup aimé la façon dont Vikram Seth raconte les sculptures de Janet, sa musique ou la Californie des années 1980. Entre autres choses, il nous décrit les environs du Golden Gate, les lieux culturels, les cafés-restaurants de San Francisco ou encore la culture de la vigne, chère au père de Liz. C'est agréable, et joliment fait. On a le sentiment de se balader entre les rues, ou entres les pieds de vigne...
Le style, ou devrais-je dire, La forme ?
C'est avant tout pour son côté esthétique que j'ai apprécié ce roman.
5.3 Bien. Puis-je justifier le recours au sonnet ?
Ces rimes alanguies ? Ma muse désuète ?
La folie surannée de mes vers mitonnés ?
Comment puis-je reprendre le moule obsolète
D'où sortit autrefois un Eugène Onéguine
Et y rouler Reagan en guise de farine ?
La fournée, c'est certain, manquera de levain,
Et ne tiendra jamais jusqu'à demain matin.
Je ne puis, je l'avoue, dûment me justifier.
Mais puisqu'aucun linceul tissé dans la critique
Ne saurait m'épargner une mort prosaïque,
Autant tenter ma chance et qui sait m'amuser.
Si ça marche, tant mieux ; sinon, je ne crois pas
Qu'un peu de théorie retardera le glas.
Comme vous pouvez le constater dans cette citation, le poète s'adresse parfois directement au lecteur et commente l'action. Toutefois, ses incursions sont rares, et laissent place à l'histoire. J'ai bien aimé cette fantaisie, surtout lorsque la relation entre Phil et Ed devient torride, Vikram Seth se retranche derrière une excuse de pudeur bien venue pour nous laisser imaginer leur nuit, tout en continuant son livre.
J'ai noté aussi, une belle anagramme, avec le personnage de Kim Tarvesh (étudiant en thèse d'économie comme l'était alors l'auteur) Où, comment prendre part à son propre roman ^^
Golden Gate est donc un roman, mais rédigé en vers octosyllabiques dans sa version originale, transformés en alexandrins car ils conviennent mieux au mètre français. Je n'ai pas tenté la lecture en Anglais, de peur de ne pas apprécier la nature du texte.
5.4 (Note du traducteur : Pourquoi l'alexandrin
Et non, fidèlement, le vif octosyllabe
Puisque le tétramètre apparemment contient
Suffisamment de pieds pour imiter le crabe ?
Mais j'ai dû convenir que pour chasser huit pieds
Il fallait trop souvent tordre le chausse-pied
Du tempo et insérer, de force, la forme,
Au risque de causer une allure difforme.)
Au début j'avais un petit doute. J'avais peur que cette forme ternisse l'histoire, mais,au final,c'est le contraire, elle la rend bien plus belle.
Les vers sont réussis : Rythme, invention, sonorité tout y est. De plus l'auteur n'hésite pas à jouer l'ironie ou à prendre à partie le lecteur pour le plus grand plaisir de celui-ci. Certes, le traducteur à contribué à ce succès.
Je ne peux faire une étude littéraire sur le style iambique, les octosyllabes (ma connaissance trouve ici sa limite), mais je voudrais terminer par ceci : Ce livre est tout simplement beau.
Au final
Une expérience de lecture à ne pas manquer tant la forme est agréable.
Ce roman se déroule au pied du Golden Gate
Lieu : la Californie. Les années quatre-vingt.
Quelques Américains sous l'œil de Vikram Seth
Cherchent le grand amour et bravent le destin
Cette épopée moderne, où satire et romance
Entraînent le lecteur au cœur d'une expérience
Unique, est racontée en vers : sept cents sonnets
A peu de choses près, où tout à tour paraît
Et disparaît l'espoir, où le futur auteur
D'Un garçon convenable, autre roman épique,
Fait de San Francisco une cité mythique.
Le rire y et fréquent, aussi bien que les pleurs.
Savourez sa musique et oubliez l'exploit.
Il est traduit ici pour la première fois.
L'histoire
Je ne tenterai pas d'égaler ici, le talent des auteurs que je cite. Ma prose saura-t-elle leur rendre honneur, eux qui ont magnifié le sens de l'écriture, et en vers, donné une belle histoire ? Je m'en vais vous présenter cette œuvre, qui m'a donné tant de plaisir, tant de joie.
L'auteur nous livre la vie de quelques personnages dans le San Francisco des années 80. Un joli portrait de génération dans une ville toujours aussi romanesque mais quand même un peu creux. Car, oui, il faut l'avouer, l'histoire n'a rien d'extraordinaire. Certes, il donne un aperçu de la vie que quelques amis, leur devenir près de ce pont mythique...
Les personnages sont décrits, à leur apparition dans l'histoire, par un ou deux sonnets. L'auteur nous laisse libre de les imaginer. Puis, peu à peu, les personnages se précisent et on peut commencer à s'attacher à eux. À la fin de ce livre, lu en quelques jours de par la forme, j'ai eu l'impression de quitter de vieilles connaissances.
J'ai apprécié Gengis khan, le chat, qui fait subir d'atroces affres à son nouveau maitre. Cela m'a fait sourire. J'ai trouvé incisif la relation entre Phil et Ed. Cet état d'esprit purement libéré pour l'un et source de mille maux pour l'autre. L'acceptation de leurs amis, ou, au contraire la haine que leur relation inspire à John...
Tout est dit, la vie qui apparait et fuit, la mort, douloureuse compagne qui nous pousse parfois à des actes un peu trop irréfléchis. Mais après tout, n'est-ce pas bien mieux ainsi ?
J'ai beaucoup aimé la façon dont Vikram Seth raconte les sculptures de Janet, sa musique ou la Californie des années 1980. Entre autres choses, il nous décrit les environs du Golden Gate, les lieux culturels, les cafés-restaurants de San Francisco ou encore la culture de la vigne, chère au père de Liz. C'est agréable, et joliment fait. On a le sentiment de se balader entre les rues, ou entres les pieds de vigne...
Le style, ou devrais-je dire, La forme ?
C'est avant tout pour son côté esthétique que j'ai apprécié ce roman.
5.3 Bien. Puis-je justifier le recours au sonnet ?
Ces rimes alanguies ? Ma muse désuète ?
La folie surannée de mes vers mitonnés ?
Comment puis-je reprendre le moule obsolète
D'où sortit autrefois un Eugène Onéguine
Et y rouler Reagan en guise de farine ?
La fournée, c'est certain, manquera de levain,
Et ne tiendra jamais jusqu'à demain matin.
Je ne puis, je l'avoue, dûment me justifier.
Mais puisqu'aucun linceul tissé dans la critique
Ne saurait m'épargner une mort prosaïque,
Autant tenter ma chance et qui sait m'amuser.
Si ça marche, tant mieux ; sinon, je ne crois pas
Qu'un peu de théorie retardera le glas.
Comme vous pouvez le constater dans cette citation, le poète s'adresse parfois directement au lecteur et commente l'action. Toutefois, ses incursions sont rares, et laissent place à l'histoire. J'ai bien aimé cette fantaisie, surtout lorsque la relation entre Phil et Ed devient torride, Vikram Seth se retranche derrière une excuse de pudeur bien venue pour nous laisser imaginer leur nuit, tout en continuant son livre.
J'ai noté aussi, une belle anagramme, avec le personnage de Kim Tarvesh (étudiant en thèse d'économie comme l'était alors l'auteur) Où, comment prendre part à son propre roman ^^
Golden Gate est donc un roman, mais rédigé en vers octosyllabiques dans sa version originale, transformés en alexandrins car ils conviennent mieux au mètre français. Je n'ai pas tenté la lecture en Anglais, de peur de ne pas apprécier la nature du texte.
5.4 (Note du traducteur : Pourquoi l'alexandrin
Et non, fidèlement, le vif octosyllabe
Puisque le tétramètre apparemment contient
Suffisamment de pieds pour imiter le crabe ?
Mais j'ai dû convenir que pour chasser huit pieds
Il fallait trop souvent tordre le chausse-pied
Du tempo et insérer, de force, la forme,
Au risque de causer une allure difforme.)
Au début j'avais un petit doute. J'avais peur que cette forme ternisse l'histoire, mais,au final,c'est le contraire, elle la rend bien plus belle.
Les vers sont réussis : Rythme, invention, sonorité tout y est. De plus l'auteur n'hésite pas à jouer l'ironie ou à prendre à partie le lecteur pour le plus grand plaisir de celui-ci. Certes, le traducteur à contribué à ce succès.
Je ne peux faire une étude littéraire sur le style iambique, les octosyllabes (ma connaissance trouve ici sa limite), mais je voudrais terminer par ceci : Ce livre est tout simplement beau.
Au final
Une expérience de lecture à ne pas manquer tant la forme est agréable.
6 commentaires :
Merci Nanet pour cette critique qui me donne envie de découvrir cet auteur !
Ce livre a l'air très beau (surprenant en tout cas c'est sûr).
Merci pour ton avis. J'en profite pour te signaler que le lien que tu as inséré sur livraddict ne fonctionne pas
A bientôt
Tout en rimes!
ça a dû être super dur pour le traducteur de respecter le sens et de faire des rimes... Merci pour cette découverte :)
@ Emily : Avec plaisir... je pense lire autre chose de cet auteur, aussi. Ce en sera pas en vers, puisqu'il en a écrit un seul ainsi (vu la somme de travail que cela doit demander, on lui pardonnera ^^)
@ Scor : (merci, j'ai corrigé le lien)
Ce livre est très beau pour la forme, l'histoire reste banale... mais agréable et touchante.
@ Laeti : C'est rare que je parle des traducteur, mais dans ce cas, je ne pouvais pas taire son travail formidable. J'ai tenté, il y a quelques temps de lire quelques lignes en anglais, et la traduction est vraiment belle !
Biz
Enregistrer un commentaire