Thomas le Rimeur de Ellen Kushner


« J'eus le dos parcouru de frissons. Ce n'était pas une voix humaine, mais ce n'était pas non plus la voix d'un oiseau. On aurait dit qu'une flûte avait soudain pris vie et acquis la parole en plus de la musique. »
(P217)




L'auteur

Ellen Kushner est née en 1955 à Washington.

Passionnée d’histoire médiévale et de traditions, elle a dirigé une collection de fantasy avant de se lancer dans l’écriture. Ses romans sont qualifiés de romans de Manner fantasy.

En 1991 Thomas le Rimeur a reçu le Prix World Fantasy et le Prix Mythopoeic.

Résumé officiel

Pour s'être risqué au baiser offert, Thomas le fameux Rimeur se retrouva prisonnier de la Reine des Elfes. Grand vivant s'il en fut, et joyeux compagnon, Thomas vécut près d'elle sept années, dans les voluptueux plaisirs du royaume de Faërie, avant de retourner dans son monde premier, celui du labeur, de la peine, et de la fuite du temps. Hanté, tourmenté par les souvenirs des splendeurs perdues, il lui fallut, malgré tout, retrouver la femme qu'il aimait, reconstruire sa harpe. Et vivre avec les cadeaux ambigus de la Reine des Elfes, le don de prophétie et la malédiction de la parole vraie.


Le petit plus

La Manner Fantasy se caractérise par la présence d'un cadre social très élaboré et hiérarchisé dans lequel le héros doit trouver sa place, si besoin en tirant avantage des structures existantes (généralement dans un environnement urbain), ainsi que par l'usage d'un langage très étudié, que ce soit par une grande préciosité ou par l'utilisation de l'argot.


L'histoire

Thomas, jeune harpiste aux doigts fins, rencontre un couple de paysans qu'il charme par sa douceur, sa voix, ses contes. Chez eux, il fait la connaissance d'une jeune demoiselle, et surtout de légendes Elphiques. Jusqu'au jour où les légendes le rattrapent ! Un baiser va bouleverser sa vie.

Mon avis

J'ai découvert ce livre grâce à une amie blogueuse Walpurgis, qui a bien voulu me l'envoyer, afin que nous puissions comparer nos avis. Régulièrement, ces chroniques vont dans le sens contraire des miennes, et nos goûts s'opposent, le cas le plus flagrant étant Le Trône de fer ! (chez elle, chez moi) Ainsi, lorsqu'elle a publié cet article, je lui ai proposé de lire ce livre, pour voir ce que j'en penserai...

Et, une fois encore, nos avis divergent... en partie.

Car, je dois avouer que le rythme de ce livre est très lent, mais comme la plume de Ellen Kushner a su me charmer, cela ne m'a pas vraiment dérangé. La construction à quatre voix, chacun des principaux protagonistes humains narrant une partie de l'histoire, m'a beaucoup plu, et la gouaille utilisée, l'immersion dans un langage différent suivant le narrateur ont largement contribué à cette affection.

C'est cette narration qui classe ce livre en Manner Fantasy. L'auteur a volontairement écrit en « anglais des campagnes » (extrêmement bien traduit par Béatrice Vierne) et je me suis surprise, à plusieurs reprises, à lire avec un accent (ce qui m'est, certes, facile). Ce discours chantant, ces intonations paysannes, ces abréviations dans l'écriture avec des lettres manquantes obligeant à une lecture accentuée sont des atouts majeurs. Surtout que l'intrigue est bien mince, et que tout tourne autour de ces narrations.

Pour clarifier le point sur l'intrigue, Ellen Kushner n'a pas inventé cette histoire ! Elle a raconté, de manière fort sympathique, une légende écossaise, celle du poète Thomas le Rhymer que vous pouvez découvrir sur ce site : Magic Sctoland. Je ne vais donc pas m'attarder sur la légende, sur le fond de cette histoire.

Je m'arrêterai un instant sur les événements qui se déroulent au pays des Elfes. Là, l'auteure a créé ! Elle a inventé pour nous de petites anecdotes, des contes et une sorte de vie de bohème pas si rose que l'on pourrait le croire, avec une quête de pouvoir, s'appuyant sur un phénomène récurent en fantasy, le pouvoir des noms.

Une très belle scène est à relever, celle de la colombe blanche, pleurant des larmes de sang. C'est troublant, et l'écriture fine et très légère dans cette partie m'a conduit à visualiser cette scène un tantinet macabre. L'autre détail que je voudrais aborder, c'est la descente vers le pays des Elfes, que l'on pourrait mettre en parallèle avec une descente aux enfers, et la traversée du Styx... mais là, c'est ma propre imagination qui a joué.

Enfin, Thomas passe sept ans au pays des Elfes. Cette durée n'est pas anodine, le nombre sept étant porteur lui aussi d'une signification magique et spirituelle. Au-delà de tous les points que l'on pourrait glaner, il représente aussi le nombre de jours d'une semaine, et si l'on pousse plus loin le nombre de péchés capitaux, qu'Ellen Kushner a fait vivre, de façon romancée à Thomas : il passe par ces phases, sans même s'en rendre compte : luxure, avarice, envie, orgueil, paresse, gourmandise et colère...

Comme vous l'aurez compris, ce n'est donc pas l’intrigue qui m'a charmé, mais bel et bien la forme.

Quatre narrateurs, donc : Gavin, Thomas, Meg et enfin Elspeth. Certes, les trois narrateurs « paysans » sont assez similaires, en opposition à la longue partie de Thomas, mais on y trouve toutefois quelques différences. Ce que j'ai apprécié, aussi, c'est que le narrateur reste le seul visionnaire des scènes et ne détienne donc qu'une partie de l'histoire. Il ne peut qu'exprimer ses idées, ses avis, ses envies, mais en aucun cas ce qui se passe pendant son absence... cela donne des zones d'ombre, comme dans la réalité, puisque nous ne pouvons pas savoir ce qui se passe lorsque nous ne sommes pas en un lieu. Ainsi, Gavin et Meg expriment des doutes sur les actes de Thomas, avant de partir chez les Elfes. Ils se basent sur sa propension à mentir, ou du moins à raconter des histoires, chose qu'il en pourra plus faire après, ayant la parole vraie. 

Je terminerai par une notion de temps. Le livre retrace la vie de Thomas depuis son arrivée chez Meg et Gavin, jusqu'à sa mort, avec quelques rares informations sur son enfance. C'est la naissance d'une légende...

Trois mots

Deux mots pour : Style, utilisation d'un conte existant
Un mot contre : Manque d'action

Au final 

Très lente, cette lecture m'a pourtant charmée. L'auteur nous entraîne dans un conte raconté à quatre voix ! C'est bien pensé, et l'on se laisse porter par ces narrations. Peu d'événements, par contre, juste la naissance d'une légende : celle de Thomas le Rimeur, héros des contes écossais.

11 commentaires :

Walpurgis a dit…

Tu fais une belle analyse de l'oeuvre, c'est intéressant de voir quels détails t'ont touché (le passage avec la colombe qui pleure est troublant en effet).
Tout de même en lisant ton avis, je m'interroge et je me demande si je ne suis pas passé à côté de l'oeuvre !

nanet a dit…

Merci. J'ai plus de facilité avec les livres qui m'ont charmé, qu'avec ceux que je n'ai pas complètement apprécié. Je considère qu'il y a toujours qq chose de bon dans un livre, encore faut-il adhérer, et du coup, je réalise mes chroniques en ce sens. Sauf que parfois, c'est dur ! Ce sera le cas pour la prochaine chronique, où j'ai autant de choses qui m'ont dérangées que de choses appréciées.

Quant à Thomas, je pense que c'est une lecture qui ne laisse pas indifférente ! Ce livre est d'une délicatesse troublante. Mais, je ne crois pas que tu sois passé à côté, je crois plutôt qu'il ne te convient pas, en ce moment.

En tous les cas merci de me l'avoir fait découvrir, c'était un agréable moment de lecture.

Biz

Véro a dit…

Ouh là ! Rien qu'à lire "rythme lent", je prends mes jambes à mon coup...

nanet a dit…

En petite foulée, alors : rythme lent ^^

Biz

Acr0 a dit…

Quelle chronique :)
C'est vrai que le récit est lent, mais je pense aussi que cela fait partie du charme du livre. J'ai aimé aussi les quatre voix. Ce livre m'a permis aussi de découvrir une légende que je ne connaissais absolument pas. C'est marrant, car je me rends compte en lisant ta chronique que je me souviens encore très bien de ma lecture (alors que je suis plutôt du genre poisson rouge). Finalement, quelque part, c'est comme une référence en fantasy qui reste dans un coin de ma tête (d'ailleurs, André-François Ruaud en parle plusieurs fois dans "Cartographie du merveilleux")

BlackWolf a dit…

Walpurgis m'avait déjà donnée envie de me pencher sur ce livre je dois dire que ton avis me donne encore plus envie de le découvrir au final.

nanet a dit…

Merci.
Je l'ai encore en mémoire et, des scènes d'apparence anodine lors de la lecture reviennent me chatouiller. Ce livre est une mine truffée d'indices ! Et, les livres lus depuis sont sans cette suavité, cette aura.
Je n'ai pas lu Chaud, mais je vais y regarder de plus près.
Biz

nanet a dit…

Ruaud...

nanet a dit…

Merci. C'est une très belle histoire, où tout est focalisé sur l'écriture. Vraiment un incontournable, à mon avis, de la fantasy ! Très loin, par contre, des Gemmel, Sanderson où Hobb...
Biz

Véro a dit…

Note bien que pour prendre les jambes à mon coup... je vais y aller lentement car je ne sais trop comment faire ! M'en sortirais si j'avais écrit "cou" ! ^_^

nanet a dit…

Sur le coup, attention à ne pas te tordre le cou, le coût serait cher payé ^^

Biz

 

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